Autisme / Emploi : “Specialisterne France” à l’assaut de “l’obsession de la conformité”

Gabrielle Blinet et Pascale Marchal, le binome de Specialisterne France, à Toulouse. Photo D.-R.

Specialisterne (en français Les Spécialistes) est une entreprise sociale internationale née au Danemark en 2004. Sa mission : faire découvrir aux entreprises “l’avantage concurrentiel qu’apportent les personnes sur le spectre de l’autisme grâce à leurs caractéristiques spécifiques.” Le groupe crée sa treizième implantation en France, avec un siège social à Toulouse, dirigée par Gabrielle Blinet, figure active sur la neurodiversité en France.

Convaincues par l’approche et la solidité de la méthode développées par le fondateur Thorkil Sonne, Gabrielle Blinet et Pascale Marchal mettent leur expérience et leur énergie au service d’un concept social innovant : “Envisager les spécificités cognitives des personnes autistes comme un avantage concurrentiel pour les employeursLeur spécialité : dénicher des talents encore restés dans l’ombre et des entreprises pionnières prêtes à inclure la neurodiversité dans leur RSE (resposabilité sociétale des entreprise, NDLR *). Découvrir Specialisterne France.

Faire évoluer les méthodes de recrutement

“Pascale et moi formons un binôme solide et enthousiaste. Nous travaillons ensemble depuis 3 ans, nous nous connaissons bien. Nous sommes complémentaires dans nos savoir-faire et dans nos savoir-être. Nous avons l’habitude de brainstormer ensemble et surtout, l’habitude de régler nos désaccords à l’amiable quand nous en avons. Enfin, nous sommes toutes les deux passionnées par l’autisme et très sensibles aux difficultés rencontrées par les adultes face à l’emploi. Nous sommes deux battantes utilisant l’humour comme sas de décompression et avons souvent le réflexe de nous réjouir des petites réussites du quotidien”, précise Gabrielle Blinet.

Mettre fin à “l’obsession de la conformité” dans l’entreprise, c’est un atout ! Photo D.-R.

Les deux associées déploieront en France le modèle de recrutement spécifique que développe avec succès Specialisterne depuis plus de 15 ans. Loin des méthodes classiques de recrutement, inadaptées aux personnes autistes, elles proposent une approche personnalisée et concrète, en collaboration avec les entreprises, qui se déroule sur plusieurs semaines :

Exit les sempiternelles lettres de motivation et entretiens individuels, qui font place à des tests de conception avec des robots Lego Mindstorm, les fiches de postes sont transposées en langage aspie-friendly (qui favorise l’inclusion globale des personnes autistes sans déficience intellectuelle, NDLR **)… Tout est fait pour que les compétences réelles des candidats autistes soient enfin visibles au grand jour.

Un suivi à long terme des candidats

Mais une fois leurs talents mis en lumière, il n’en demeure pas moins que les personnes autistes ont des difficultés à lire et à appréhender les comportements et codes sociaux. D’autant plus dans un cadre professionnel, où la culture d’entreprise n’est pas une chose qui s’apprend, mais qui se diffuse. C’est pourquoi l’accompagnement de Specialisterne ne porte pas que sur le recrutement, mais s’étend également sur un suivi des candidats dans les équipes de travail, la gestion de carrière et le quotidien dans l’entreprise.

La Scop,  qui implique tous les employés, une évidence pour les deux entrepreneuses. Photo D.-R.

Pour leur implantation à Toulouse, les deux co-gérantes ont choisi le statut de Scop : “Le choix d’une Société coopérative s’explique par notre volonté de s’inscrire dans une démarche profondément humaine et sociale et de marquer notre attachement à l’économie sociale et solidaire. C’est également un modèle qui responsabilise les collaborateurs, les fait sortir du rôle d’ exécutant, afin de veiller au bon fonctionnement d’une entreprise dont ils sont co-propriétaires. Les risques d’échec et les chances de réussite sont partagés et assumés par tous, et nous aimons cet esprit”, insistent-elles.

“Accompagner l’impact social des transformations sociétales”

Cyrille Rocher, directeur de l’Urscop Occitanie-pôle Pyrénées affirme que “l’enjeu de ce projet coopératif sera d’accompagner l’impact social des transformations sociétales, actuelles et à venir, notamment des représentations de l’autisme. Cette nouvelle grille de lecture, que propose Specialisterne aux entreprises publiques et privées, aura sans nul doute le mérite de mettre terme à l’obsession de la conformité. L’éloge de la différence fait partie de l’ADN des Sociétés Coopératives et Participatives.”

Philippe MOURET

(*) La RSE, (responsabilité sociale/sociétale des entreprises) est définie par la commission européenne comme l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes. En d’autres termes, la RSE c’est “la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable.” Une entreprise qui pratique la RSE va donc chercher à avoir un impact positif sur la société tout en étant économiquement viable.
(**) L’Université Toulouse – Jean-Jaurès est l’un des exemples d’université inclusive. Aujourd’hui, plus de 30 étudiants autistes sont accueillis à l’UT2J, même si précise l’université “d’autres, sans doute très nombreux, ne se manifestent pas, et poursuivent aussi leurs études à l’université.” La politique handicap de l’UT2J est de favoriser au mieux la réussite de ces jeunes autistes en sensibilisant les équipes pédagogiques et administratives à la diversité des publics et en cherchant à être à l’écoute des nouvelles données de la recherche pour adapter les gestes professionnels.

Le dossier de Dis-Leur ! sur l’autisme :