Archéologie : La coopérative qui débusque les trésors enfouis

Fouilles archéologiques en Guadeloupe, en 2017. Président de la nouvelle coopérative Hadès, Ugo Cafiero dit : "dans notre métier, on ne dégage pas de gros salaires. L'idée de créer une coopérative, c'est de partager les résultats et les richesses que crée notre outil de production." Et ça marche ! Photo : Hadès.

Hadès : à dieu des Enfers, ils préfèrent le surnom de dieu des Mondes Souterrains ; ça sent moins le soufre et davantage l’emphase à la mode grecque. Il faut dire que le titulaire de ce lourd pouvoir se présente comme un homme mûr, barbu, tenant la corne d’abondance, symbole des richesses du sol dont il est le maître. Installée à Balma (Haute-Garonne), Hadès oeuvre dans l’archéologie et vient de se transformer en coopérative avec… 33 associés, un record. Et ça marche !

(AVEC VIDEO) Continuer à fouiller le sous-sol tout en découvrant des ressources dans ses propres fondations. Créé à Pau en 1994 par Bernard Pousthomis, et installé à Balma depuis 2008, le bureau d’investigations archéologiques Hadès est devenu en juillet dernier une scop, une coopérative. En raison de son départ à la retraite, son fondateur l’a transmis à 33 salariés repreneurs, un record ! Leur permettant ainsi de prendre en main l’avenir de leur entreprise. Trente-trois salariés, un nombre élevé qui peut faire étonner… C’est aussi la 300e scop de l’ex-Midi-Pyrénées, comme l’explique Ugo Cafiero, archéologue spécialiste du Moyen Âge, salarié d’Hadès depuis 10 ans, ancien secrétaire du comité d’entreprise, devenu en juillet le nouveau président de la scop.

Dans notre métier, on ne dégage pas de gros salaires. L’idée de créer une coopérative, c’est de partager les résultats et les richesses que crée notre outil de production.”

Ugo Cafiero, président de la coopérative Hadès
Vase gaulois, vieille Toulouse (Haute-Garonne) découvert en 2015. Photo : Hadès.

Ugo Cafiero explique la raison du recours aux statuts coopératifs. “chacun de nous a un haut niveau d’études, master ou plus souvent de docteur en archéologie. Mais, dans notre métier, on ne dégage pas de gros salaires, dit-il. L’idée de créer une coopérative, c’est de partager les résultats et les richesses que crée notre outil de production.” Et ça marche ! “Nous sommes 35 associés, dont 33 sont salariés.  L’ancien PDG et son épouse, non salariés, complètent l’équipe !” Mais pour gérer 53 salariés, réussir à réaliser 4,4 millions d’euros de chiffre d’affaires et dégager un bénéfice de 123 000 euros en 2017, Ugo Cafiero concède faire “beaucoup de gestion humaine dans l’entreprise”.

Fédérer autour du projet d’entreprise

Le nouveau patron explique également que l’écosystème de l’économie sociale et solidaire (ESS), notamment par l’existence de l’Urscop (Union régionale des coopératives), offre un panel de formation très utiles et très professionnelles, ce qui a permis de “fédérer autour du projet d’entreprise. C’est-à-dire “mieux qualifier notre métier”, en concurrence frontale avec l’Inrap, un organisme public, en participant à des colloques, en travaillant avec des unités de recherche mixte, etc. Bref, à trouver sa place et pacifier une situation longtemps compliquée.

La découverte d’un théâtre antique à Béziers (Hérault) en 2014 ou à Ambres, près de Lavaur, dans le Tarn, les restes exceptionnels d’un “village médiéval” ou encore une grange cistercienne à Martres-Tolosane…”

Puits en cours de fouille à Lunel-Viel (Hérault), en 2014. Photo : Hadès.

“Hadès a quelque 800 opérations de fouilles à son actif depuis sa création, dont la découverte d’un théâtre antique à Béziers (Hérault) en 2014 ou à Ambres, près de Lavaur, dans le Tarn, les restes exceptionnels d’un “village médiéval” ou encore une grange cistercienne à Martres-Tolosane (Haute-Garonne)… Contrairement à d’autres acteurs, l’ensemble de nos fouilles, préventives ou non, ont toutes reçu un avis favorable des Cira (Commission inter-régionale de recherche archéologique) qui dépendent du ministère de la Culture.

Forte notoriété

Hadès, c’est donc une expertise reconnue en archéologie de près de 25 ans. “Le bureau d’études indépendant est spécialisé dans les missions d’expertises, d’études, de valorisation et de fouilles sur les sites, les monuments et les objets archéologiques des périodes allant de la protohistoire à nos jours. Il bénéficie d’une forte notoriété auprès de tous les acteurs de l’archéologie en France.”

Depuis 2005, la société dispose de l’agrément ministériel en qualité d’opérateur en archéologie préventive.Cette discipline, au carrefour de l’Histoire et des sciences, permet de “sauver les vestiges par l’étude avec toutes les méthodes d’investigation modernes”, explique Ugo Cafiero. Hadès revient de loin.

Avec la crise économique, ce sont les secteurs comme le nôtre, bâtiments et travaux publics, en amont de l’immobilier qui sont touchés les premiers…”

Squelette en cours de fouille, à Saint-Hilaire (Haute-Garonne), en 2018. Photo : Hadès.

Tout débute en 1994. Le petit bureau d’études des débuts spécialisé dans l’archéologie du bâti se lance dans l’archéologie d’urgence et de sauvetage, où un besoin criant se fait sentir. En 2001, “le législateur s’emploie à réguler le secteur et d’en préciser le cadre d’intervention car, parfois, de simples associations et des bénévoles non formés intervenaient sur les sites. C’est là que nait l’Inrap (Institut national de la recherche archéologique préventive) qui, par définition, rafle le monopole du diagnostic d’avant-fouilles.

C’est aussi là qu’Hadès manque de fermer une première fois, passant de 6 à 3 salariés. “En 2003, l’Etat met fin au monopole de l’Inrap. Le marché s’ouvre. Hadès passe rapidement de 6 à 63 salariés.” L’âge d’or. Mais, arrive la fameuse crise économique. “Dans ce cas-là ce sont les secteurs comme le nôtre, bâtiments et travaux publics, en amont de l’immobilier qui sont touchés les premiers.”

Le fondateur a eu la brillante idée de lancer un audit des risques psycho-sociaux pour mieux comprendre enjeux, rouages et blocages de la société. Le statut coopératif nous a finalement séduit.”

Alors qu’il envisageait de partir à la retraite et de céder la société fin 2014, le président-fondateur d’Hadès, Bernard Pousthomis, décide de rester aux commandes d’Hadès pour assurer une transition. “L’idée d’une scop, précise Ugo Cafiero, s’est peu à peu imposée quand a commencé le plan de licenciements…” Et d’ajouter : “Le fondateur a eu la brillante idée “de lancer un audit des risques psycho-sociaux pour mieux comprendre enjeux, rouages et blocages de la société. Le statut coopératif nous a finalement séduit.”

Ce fondateur responsable “reste alors aux commandes et revoit l’ensemble de l’organisation et du management de sa structure. Il initie un modèle de gouvernance ouvert, plus participatif, dans lequel les différents acteurs de l’entreprise se sont structurés en comités selon différents niveaux d’expertise et de prise de décision.”

Dans le même temps, un collectif de salariés se met en place afin de défendre le métier d’archéologue et les postes menacés par la forte crise sectorielle qui conduit à la disparition de plusieurs autres opérateurs en archéologie. Dans cet engagement, après plusieurs contacts avec l’Union régionale des Scop Midi- Pyrénées, nait l’idée d’une reprise collective de l’entreprise par les salariés.

En 2016, c’est validé. Désormais, Hadès est un bureau d’études qui compte parmi la vingtaine existant dans l’Hexagone.

Olivier SCHLAMA

A LIRE AUSSI : Archéologie : de Auch à Elne, la passion des racines historiques.

Quand l’antique Clermont-Ferrand est mis au jour

A titre d’exemple, voici, ci-après, une vidéo tournée en 2015 dans un quartier de Clermont-Ferrand construit sur un quartier d’époque antique. “Il s’agit de fouilles urbaines qui ont permis de mettre au jour tout un quartier de la ville antique de Clermont-Ferrand quand la cité averne s’appelait encore Augusto-Nemetum, au 1er siècle de notre ère”, explique Ugo Cafiero. Notamment des installation hydrauliques, dont un chenal à eau où ont été découverts des restes d’activités et d’artisanat du 1er et du 2e siècle de notre ère. A noter un bon état de conservation des planchers de maisons, bien conservés dans la nappe phréatique. (Vidéo : Hadès/David Geoffroy – Court jus production).