Annulations/covid : “Dramatique pour les centres qui vivent des classes de neige”

De nombreux séjours scolaires prévus en ce mois de janvier se déprogramment en cascade, souvent à la dernière minute. Classes de neige et centres de vacances sont victimes de la vague Omicron. Pour les centres, notamment dans les Pyrénées, c’est une part importante de leur économie qui s’évanouit. Sans aide, ils dénoncent le message déconcertant de l’Education nationale qui n’interdit pas les classes de neige mais les “déconseille”.

La crise, boule de neige aux noirs desseins. Ex-président emblématique de l’Unat régionale (Union nationale des associations de tourisme), dont il est désormais vice-président, Georges Glandières tire la sonnette d’alarme. “De nombreux adhérents nous appellent. Leur situation est dramatique. Le centre de vacances des Angles des Pep 34 est formel : il parle de 200 000 euros de recettes en moins rien que sur le mois de janvier. On se bat pour au moins pour avoir des aides. C’est dramatique… Ça fait deux ans que ça dure…”

“Une panade terrible…”

Georges Glandières ajoute : “Ces centres, qui vivent habituellement quasi-exclusivement avec les classes de neiges et de découvertes, sont dans une panade terrible. Ce n’est pas tout : les élèves de classes transplantées sont leur principale source de recettes des stations de ski, hors vacances scolaires… Stations et centres sont dans la même mouise…” Et, actuellement, aucune aide n’est prévue.

Deux classes sur trois d’un collège de l’Aveyron qui doivent venir fin janvier sont fermées d’où une très grande incertitude…

Valérie Castagnet, Ligue de l’Enseignement du Lot
L’école de ski de Font Romeu Ph: Philippe Mahé

L’Unat régionale compte quelque 200 établissements de ce type. La prise de parole il y a quelques jours de la rectrice d’académie, Sophie Béjean, dans Dis-Leur ICI ! a été un électrochoc insistant qu’elle déconseille, en l’état actuel de la pandémie, de partir en classe de neige. “Je fais partie d’un groupe de travail national ; nous voyons les annulations tomber au jour le jour. Par exemple, deux classes sur trois d’un collège de l’Aveyron viennent de nous annoncer que ces classes qui doivent venir fin janvier sont fermées d’où une très grande incertitude pour leur venue, explique Valérie Castagnet.

“Tout le monde attend la dernière minute, le jeudi de chaque semaine, pour dire si oui ou non ils viennent”

Par ailleurs responsable des classes de neige de la Ligue de l’Enseignement du Lot qui gère quatre centres de vacances à Seignos dans les Landes, deux dans le Lot et un à Bloquères (le chalet du Ticou), près de Font-Romeu (P.-O.), elle ajoute : “Pour l’instant, à part ce lycée, nous espérons l’arrivée de 180 jeunes à Bloquères aujourd’hui. Mais qu’en sera-t-il d’ici la fin de la semaine ? C’est très tendu. C’est la grosse interrogation. Tout le monde attend la dernière minute, le jeudi de chaque semaine, pour dire si oui ou non ils viennent. J’ai une collègue dans l’Isère qui m’annonce que, au dernier moment, 340 collégiens ne viendront finalement pas. Or, ces classes, il en va de la survie de nos centres.”

“Les gamins ont un vrai besoin de s’aérer les neurones…”

Sortie raquettes à Font Romeu. Ph. DR.

D’autant que le message de certains responsables de l’Education nationale, à l’instar de la rectrice d’académie de Montpellier, peut laisser à penser aux directeurs d’école que, s’ils envoient des élèves en montagne, “c’est à leurs risques et à leurs frais. Et quand on a en charge des enfants, si on ne se sent pas soutenus, on peut laisser tomber…, dit encore Valérie Castagnet. En réalité, les gamins ont un vrai besoin de s’aérer les neurones en recréant un collectif différent.”

“En septembre, on s’attendait à un vrai rebond. Tout le monde en avait envie ; il y avait une vraie attente.”

Guillaume Osmont, directeur de l’activité des centres de vacances à la PEP 34, complète : “En 2019, nous accueillions quelque 15 000 personnes, sportifs, enfants, etc. dans nos quatre centres ; nous n’en avons plus que trois actuellement : l’Auberge du Baliu, aux Angles (qui subi déjà un manque à gagner de 200 000 € rien que pour janvier et pour ce seul centre), un centre à Palavas et un 3e dans les P.-O. Nous avons, à cause de la crise, dû fermer durant 15 mois en deux ans. À la rentrée scolaire, en septembre, on s’attendait à un vrai rebond. Tout le monde en avait envie ; il y avait une vraie attente.” Et puis patatras…

“Les enseignants peuvent se retrouver avec une dépense et sans séjour…”

Valérie Castagnet reprend : “Avec les non décisions des inspecteurs d’académie (je ne ferai pas, faites ce que vous voulez), les enseignants sont pris en otage : tant qu’il n’y a pas de fermeture administrative des centres ou d’interdiction formelle au départ, les centres appliquent légitimement les conditions particulières de vente. Donc les acomptes ne sont pas remboursés. Car, nous, désormais, les prestataires échaudés depuis deux ans nous ont demandé de payer d’avance… Du coup, les enseignants peuvent se retrouver avec une dépense et pas de séjour. Et les organisateurs avec des centres vides et 30 % de dédommagement qui ne nous mettent pas très à l’aise.” Et de conclure : “Certains, en France, ont mis du personnel en chômage partiel. Si les autorités nous avaient administrativement, ça aurait été plus simple : on aurait été obligatoirement aidés.” Au contraire, tout file comme boule neige…

76 sites, 55 000 enfants, 12,1 M€ de chiffre d’affaires

Directeur général de l’Unat Occitanie, Laurent Orlay ne dit pas autre chose. Confirmant “des annulations en cascade. La plupart des séjours confirmés en Occitanie viennent d’écoles privées et d’écoles privées en Espagne…”, il  ajoute : “En Occitanie nous comptabilisons 71 centres de vacances (accueil collectif de mineurs) dont 55 sont labellisés Education nationale. A cela il faut ajouter 21 villages de vacances également labellisés éducation nationale.”

“Nous arrivons donc à 76 établissements (adhérents à l’Unat Occitanie) accueillant des classes de découvertes en région. Soit un peu plus de 12 000 lits labellisés. Y sont accueillis près de 2 000 classes par an soit près de 55 000 enfants, équivalent à 192 500 nuitées et 12,1 M€ de chiffre d’affaires total.” Ce n’est pas roupie de sansonnet. Pour lui, le risque en infime de développer des clusters, même si le dépistage n’est pas obligatoire avant de partir : “Les centres sont souvent “privatisés” pour des classes d’une même école ; et il y a suffisamment de place pour gérer de possibles cas positifs.”

“Beaucoup de centres en danger”

Le printemps 2022 ne s’annonce déjà pas couleur bleu azur… Les classes vertes, par exemple, il faut compter en moyenne onze semaines d’instruction, c’est une moyenne nationale pour les organiser, selon l’Unat, et certains inspecteurs d’académie n’instruiraient pas les dossiers. Dans ces conditions, les départs sont de plus en plus hypothétiques, rendant la survie des centres de plus en plus délicate. “Cette situation met beaucoup de centres en danger”, confirme Valérie Castagnet de la Ligue de l’Enseignement du Lot.

La région Occitanie étudie une aide de transport

Vu la situation, la Région Occitanie étudie la possibilité d’aider ces centres. Est en débat l’idée “d’offrir” le transport aux enfants et collégiens via la filiale de cars Lio. “Les conseils régionaux de Paca et de Auvergne-Rhône-Alpes, l’ont fait, pourquoi pas en Occitanie ?” avance Laurent Orlay. “Nous sommes déjà inquiets pour les classes vertes ; les opérateurs parlent d’organiser des actions de communication et de marketing pour rebooster ce secteur. L’Unat plaide pour que ces classes transplantées “avec nuitées” soient maintenues… Sinon…”

Comment rattraper ce manque à gagner

Photo : Office de Tourisme de Bolquère Pyrénées 2000.

“Sinon, je ne sais pas comment on va rattraper ce manque à gagner”, acquiesce Elvire Grimal, la présidente des Pep 34, en s’inquiétant. “On, met à mal les enseignants, qui n’ont pas besoin de cela ; et on nous met à mal… Les protocoles sanitaires, on sait faire pourtant ! Il faut quand même prendre en compte le besoin des enfants de respirer le grand air. On ne comprend pas cette défiance et en quoi ce serait moins bien d’aller dans nos centres que dans des écoles où l’on ferme les classes… L’idéal, c’est que le ministère ait une position claire…”

Pour Michel Poudade, maire des Angles (P.-O.), dont la commune compte trois centres, dont celui de la Pep 34 (réunissant quelque 450 enfants à plein régime), les contraintes étaient déjà importantes, avant que l’Education nationale ne décourage sans interdire les classes de neige, avec de nombreux tests à faire pour de nombreux enfants avant de monter sur les pistes où il faut être à jour de son vaccin ou être négatif. “Certains instits préfèrent parfois annuler leur séjour devant l’incertitude. Ces centres souffrent, abonde Michel Poudade. Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes propose que ces centres aient la possibilité de recevoir des classes à d’autres périodes, à l’automne, par exemple. Certains élus régionaux se mobilisent.” Cela intervient alors que cette saison encore, la “neige, très bonne, est présente en abondance. Et que toute l’économie tourne, de près ou de loin, du ski…”

Olivier SCHLAMA

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