À Sète : Trois cents personnes s’opposent au parking, le maire maintient son projet

Fort de 3 000 personnes, le collectif Bancs Publics a réussi à empêcher ce matin la pose de palissades censées fermer la place Aristide-Briand sous laquelle la municipalité veut créer un parking de 300 places. L’association, qui lutte contre ce projet “aberrant” depuis un an, a de nouveau déposé des recours. Pour le maire, François Commeinhes, “c’est l’un des outils pour justement apaiser le centre-ville”.

“On a gagné… au moins un an.” Jean a la moue heureuse. Il préfère voir le verre à moitié plein. En fin de matinée, il savourait de voir la police repartir et les palissades qui devaient fermer la place ne pas être toutes posées. Comme trois mille autres personnes du collectif Bancs publics, qui revendique aussi 15 000 signatures au bas d’une pétition contre la création d’un parking sous la place Aristide-Briand, à Sète.

“Une aberration à tous points de vue”

Pour ces habitants, ce parking souterrain est “un aspirateur à voitures !” “C’est une aberration à tous points de vue, estime François Piettre, secrétaire de ce collectif. “Trois cents voitures supplémentaires vont entrer dans le coeur de Sète déjà fortement embouteillée !” Sans parler des 50 tilleuls argentés qui vont devoir être transplantés à grands risques. Et du coût “colossal que ce parking va coûter puisqu’il faudra aussi créer un tunnel pour que les voitures en ressortent…”

Il fait partie d’un tout avec la création d’une nouvelle salle Brassens, entre la Médiathèque et la place Aristide-Briand, de l’interdiction de stationner en bords à quais et la modification du sens de circulation…”

Vincent Sabatier

Interpellé au cours de sa conférence de rentrée, le maire, François Commeinhes, a résumé en substance qu’il ne fallait pas regarder par le petit bout de la lorgnette. Avec son adjoint, Vincent Sabatier, ils ont redit que “ce parking faisait partie de mon programme électoral en 2020 ; il fait partie d’un tout avec notamment la création d’une nouvelle salle Brassens, entre la Médiathèque et la place Aristide-Briand, de l’interdiction de stationner en bords à quais et la modification du sens de circulation. Ce parking, c’est l’un des outils pour que le centre-ville soit apaisé. Ces opposants feraient mieux de se battre pour avoir des tarifs préférentiels ; d’être une opposition constructive. L’idée selon laquelle il serait injuste que les touristes se garent gratuitement dans les parkings de délestage et les Sétois soient obligés de payer pour se garer en centre-ville, c’est une discussion intéressante à avoir”.

“Un système où plus on prendra le bus, moins ce sera cher”

Le parking comme levier au même titre que l’incitation à prendre le bus dont la gratuité pourrait s’élargir peu à peu, à l’avenir, à de plus en plus de monde. L’offre devra, cependant, être à la hauteur. Vincent Sabatier : “Ce parking va aussi nous permettre de piétonniser la rue du 11 novembre, entre autres. Nous sommes en train de travailler sur l’offre tarifaire ; c’est compliqué au niveau de la billétique. Ce qui est sûr, c’est que nous allons vers un système où plus on prendra le bus, moins ce sera cher, voire un jour gratuit pour un grand nombre…”

“L’idée, c’est d’avoir suffisamment de rentrées d’argent, notamment grâce aux parkings payants ; tout se tient !”

Vincent Sabatier est allé plus loin : “L’idée, c’est d’avoir suffisamment de rentrées d’argent, notamment grâce aux parkings payants ; tout se tient !” Et d’expliquer : “Le choix de ce stationnement payant en centre-ville et vers un transport gratuit, c’est un copié-collé de ce qui se fait à Bordeaux où quatre heures de stationnement payants en surface est impensable vu le prix. Du coup, ils ont le tram et des parkings souterrains. Je rappelle que Bordeaux est géré par un maire écolo ; en réalité, à Sète, nous sommes dans l’air du temps…”, dit-il ne voyant pas d’un mauvais oeil la multiplication des navettes fluviales. Comme on le ferait d’un petit Venise “où le touriste, mettant la main à la poche pour se déplacer, permettrait de faire des choses pour les Sétois.” Même si, pour la gratuité des bus, a ajouté François Commeinhes, on ne rase jamais gratis : “Ce ne sera pas gratuit pour tout le monde ; cela coûte 7 M€ par an pour la collectivité.” 

“En juillet et août, au parking place Victor-Hugo, il y a toujours eu de la place de libre…”

Le collectif Bancs Publics, par la voix de Christophe Aucagne, préférerait que l’on remplisse déjà les parkings extérieurs en multipliant navettes fluviales et bus et que l’on se passe d’un nouveau parking payant. “Nous avons fait des relevés d’occupation en juillet et août, au parking de la place Stalingrad, repabtisé Victor-Hugo : il y a toujours eu de la place de libre…”

Et Vincent Sabatier de compléter : Quand le projet de requalifiquation des places de surface sera terminé, avec la suppression des places en bords à quai, il y a aura davantage de places de stationnement supprimées en centre-ville que de places créées.” François Commeinhes a renchéri : “Nous voulons récompenser ceux qui prennent le bus pour aller en centre-ville pas ceux qui s’en servent pour se balader et faire le tour de montagne….” François Piettre, secrétaire du collectif, répond : “Cela fait six mois que le maire nous tient ce discours – dont il a souvent changé – Nous lui avons demandé de discuter de tout cela ensemble, en vain. Je n’y crois pas. C’est un leurre… Les voitures vont devoir en ressortir.”

L’affaire n’a pas connu véritablement de répit depuis octobre 2021 et le lancement concret de ce projet ni même depuis le 24 décembre 2021 quand le collectif avait réussi à faire suspendre les travaux. Le 29 août dernier, un nouveau permis est affiché. Quinze jours après, les travaux sont prêts à être lancés. Le collectif s’est de nouveau mobilisé, depuis ce lundi matin, nouveau fait d’armes, quelque 300 personnes se sont opposées, pacifiquement et avec succès, à la pose de palissades censées isoler la place pour que les travaux déjà prévus en janvier dernier puissent débuter.

“Notre avocate a déposé ce matin-même plusieurs recours en annulation, dont un référé-suspension”

Las… «À peine six ou sept palissades ont pu effectivement être posées”, explique François Piettre, secrétaire de ce collectif, précisant que “notre avocate a déposé ce matin-même plusieurs recours en annulation, dont un référé-suspension”, procédure en urgence qui ne préjuge pas d’un jugement au fond de l’affaire. “On a été en face des policiers municipaux puis des policiers nationaux. Ça n’a pas été facile”, dit Christophe Aucagne.

“Il faudra un tunnel qui débouchera rue Député-Molle !”

Lui aussi membre du collectif, il ajoute : “Les travaux promettent d’être pharaoniques…! Le haut de la place d’où doivent sortir les voitures aboutit au croisement de quatre rues ; du coup, il faudra construire un tunnel qui débouchera rue Député-Molle ! On a la satisfaction d’avoir bloqué les travaux depuis le 1er janvier 2021. Et que la mobilisation n’a pas faibli, au contraire. » Pourquoi ? “Parce que nous avons informé les gens ; nous avions régulièrement, matin ou soir, notre petite table rouge posée sur la place, pour expliquer et expliquer encore”, fait remarquer François Piettre.

“On a l’habitude ; il y a toujours 47 %, 48 % d’opposition…”

François Commeinhes. Ph. O.SC.

En amorce de sa conférence de presse, François Commeinhes a placé cette opposition dans la longue liste du passé de l’île Singulière : “On a l’habitude à Sète ; il y a toujours 47%, 48 % d’opposition mais nous avons gagné les élections. Jadis, c’était pareil pour le parking sous le canal ; pour l’échangeur Marceau ; l’aménagement de Villeroy… Et aujourd’hui, plus personne ne veut revenir en arrière… Certains se sont même parfois attachés, à l’époque, à des bulldozers… Et ces opposants-là s’opposeront à tout. Nous avons eu les accords de toutes les administrations et autorités. Ce projet de parking se réalisera malgré ces soubresauts… Et nous suivrons ce que la justice décidera.”

Olivier SCHLAMA