À l’heure du 1er pic de chaleur : Pourquoi nous sommes tous accros à la météo

Photo : Olivier SCHLAMA

C’est une obsession collective ! Les Français ont une fringale de prévisions météo fines près de chez eux. Comment l’expliquer ? Intolérance à l’imprévu, volonté de maîtriser le risque et son environnement… Sans parler des modifications de son humeur et de ses conséquences souvent avancées sur les élections.

Un pic de chaleur s’annonce ce dimanche avec des températures attendues de 37 ° à 38° dans le Gard. L’été commence et on suffoque ! La saison chaude vient de nous tomber sur la tête et les sites météo, eux, crépitent sous les clics frénétiques… A petites doses, le soleil provoque certes en nous une dose de bien-être. Si cela vire canicule, certains en éprouvent des orages intérieurs… C’est en tout cas un terrain d’échanges neutre qui commence toute discussion.

Météosensible, météoaddict, météoaccro, intolérance à l’imprévu… Plusieurs millions de téléspectateurs – jusqu’à 16 millions ! – regardent, par exemple, la présentation de la météo précédant le JT de 20 heures. Les sites locaux de météo fleurissent ; les applications pullulent. C’est une obsession collective ! Mais pourquoi sommes-nous accros à la météo ?

Nous oscillons entre certitude et incertitude mais nous le supportons beaucoup moins bien

Ph. O.SC.

Alors que pour Martin de la Soudière, ethnologue et sociologue, c’est cette médiatisation, entamée dans les années 1960, qui a donné tant de poids à la météo dans nos bavardages.

Il pourrait ajouter que les Français ont toujours parlé du temps mais sur un autre ton. Il y a cinquante ans, fatalistes, on se contentait de constater que la pluie ou le soleil étaient là et le sujet s’arrêtait là, éventuellement assorti d’un dicton sur le saint du jour… Aujourd’hui encore, “nous oscillons entre certitude et incertitude”, philosophe Martin de la Soudière. Mais nous le supportons beaucoup moins bien.

“Les gens supportent de moins en moins  l’imprévu…”

Adrien Four, 26 ans,  étudiant en master gestion des risques et catastrophes naturelles à Montpellier, ne dit pas autre chose. “J’ai été très marqué, enfant, par les inondations dans le Gard. J’habitais Aramon où il y eut rupture de digues… Moi, j’ai décidé de travailler dans la prévention des risques justement pour les diminuer.”

L’étudiant partage l’impression que la majorité des gens supportent de moins en moins l’imprévu comme un orage qui viendrait gâcher une belle journée jusque là ensoleillée. “Ils n’aiment pas sortir de leur zone de confort. Moi-même, je propose sur les réseaux sociaux mes propres prévisions…”

Parfois je dépasse les 10 000 connections par jour. Et sur Facebook, nous avons 50 000 abonnés”

Julien Sugier

Son ami Julien Sugier, débute lui aussi son explication dans son enfance. “À dix-mois, mes parents m’ont raconté que j’arrêtais tout ce que je faisais pour assister à la météo à la TV !” Il ajoute : “La météo, ça concerne tout le monde ! Pour s’habiller, sortir le chien, partir en week-end, pour prendre la route…”

Julien Sugier a commencé benoîtement en 2010 avec son seul ordi. “J’avais 12 ans à peine quand j’ai créé mon premier blog”, explique-t-il. Aujourd’hui, auto-entrepreneur, Julien Sugier, qui a stoppé ses études de géographie en licence, a créé Météo Gard pour vivre de sa passion.

Julien Sugier. DR.

“J’ai signé une collaboration avec un média local et j’espère en vivre en recourant à de la publicité sur mon site” et en espérant établir des bulletins sur mesure payants pour des catégories socio-professionnelles qui en sont gourmandes comme les agriculteurs. “Ce qui a singulièrement changé la donne, c’est quand Météo France a permis l’accès à ses données librement”, dit celui qui a aussi accès aux images satellites et aux relevés des stations.

Le phénomène est au rendez-vous : “Parfois je dépasse les 10 000 connections par jour. Et sur Facebook, nous avons 50 000 abonnés.” Car les réseaux sociaux démultiplient l’audience.

Ce qui intéresse les gens ? “L’hyperlocal

Les projets de ce jeune météorologue ? Créer Météo Provence et Météo Occitanie ! “J’aimerais aussi proposer des applications par zones géographique… Ce qui intéresse de plus en plus les gens, c’est moins le bulletin météo général de la TV que les micro-climats locaux, “l’hyperlocal”, qui intéressent. Sur notre carte nous avons la météo dans 19 communes du Gard, pas seulement Nîmes.” Julien Sugier explique également avoir remarqué, en plus de cette exigence à court terme, “une autre exigence à plus long terme sur le réchauffement climatique”. À raison : les projections climatiques, en 2100, ne sont pas très optimistes.

Dix stations météo dans les Pyrénées en accès gratuit

Ph. Météo Pyrénées

Christophe Dedieu est inspecteur des impôts. Il est aussi l’une des chevilles ouvrières de Météo Pyrénées. Photographe, passionné de météo, il dit : “Nous sommes totalement sous statut associatif. Tout le monde est bénévole. Nous avons dix stations météo avec des webcam dont les images sont totalelement accessibles gratuitement mais nous ne vendons rien.”

Le site répond à un besoin qui n’était pas couvert en installant des caméras diffusant des images en temps réel comme à Gavarnie – plus de 25 000 connexions en quelques jours ! – depuis peu.

1,5 million de vues par an…

Christophe Dedieu ajoute : “Nous faisons 1,5 million de vues par an. Nous pouvons investir et entretenir nos caméras grâce aux cotisations de nos 150 adhérents ; d’un peu de publicité et cette année de 5 000 € du budget participatif de la Région Occitanie. On s’en sort parce que personne n’est payé et que le prix d’une webcam a totalement chuté, de l’ordre de 200 € pièce”, explique-t-il.

Logique : “En montagne, la météo change souvent et brutalement. Il y a les conditions de neige, par exemple ; les gens aiment bien savoir si la route est dégagée… pour aller chercher… leurs cigarettes de l’autre côté de la frontière !” Plus prosaïquement, c’est un vrai plus pour savoir l’état d’enneigement des stations de ski – et plus largement pour ses loisirs – pour une gestion agricole fine, etc.”

“Le réchauffement climatique fait peur”

Ph. Météo Pyrénées

Christophe Dedieu a bien sûr lui aussi remarqué une “exigence plus forte” envers le “temps qu’il va faire”. Il note l’émergence de plus en plus de sites météo à mettre en parallèle “avec notre société de loisirs ; une volonté de davantage maîtriser son environnement ; le réchauffement climatique qui fait peur aux gens et qui génère des événements de plus en plus violents, même s’il y a une frange de gens climatoseptiques…”

Événements de plus en plus violents

Prévisionniste à Météo France, François Gourand briefe les présentateurs météo, comme Evelyne Dhélia, sur TF1. Il le reconnaît : “Oui, on est de plus en plus accro à la météo. Et ce même avant que nos données ne soient accessibles gratuitement.” Il cite évidemment “la démocratisation des applications pour smartphones” qui permettent de maîtriser son environnement, de caler par exemple dans une fenêtre météo une session de surf sur de belles vagues, de nage dans une mer d’huile entre copains ou de ne pas galérer avec un vent trop puissant pour disputer une partie de beach volley.

Il remarque également que les gens “focalisent” volontiers leur attention “sur les événements de plus en plus violents” comme les épisodes cévenols dans notre région et les risques de submersion marine. Et pointe aussi le miroir grossissant de leur médiatisation avec, en filigrane, “le réchauffement climatique qui est considéré comme une préoccupation majeure voire une menace”.

Une volonté de domestiquer le temps qu’il va faire”

Ph. Météo Pyrénées

François Gourand poursuit son analyse : “Il y a mécaniquement une volonté de domestiquer le temps qu’il va faire. Or, c’est une illusion. C’est une illusion de vouloir tout maîtriser. Regardez ce qui s’est passé à Valleraugues [le village héraultais, au pied de l’Aigoual, a été ravagé par les eaux le 19 septembre 2020, dont il ne reste presque rien, Ndlr]. Là la prévision la plus élaborée n’a servi à rien. En réalité, tout ce progrès qui nous permet de nous approcher de la prévision la plus fine, est une illusion…” Le prévisionniste en profite pour annoncer un été très chaud et sec sur tout le pays avec un risque probable de canicule…

Chateaubriand et Rousseau

Et puis il y a notre capacité à accepter l’incertitude qui diminue. C’est une perception qui n’est pas nouvelle. En 1999, 800 agriculteurs manifestaient devant le siège départemental de Météo France pour “absence d’alerte à la grêle” ! Et depuis Chateaubriand et Rousseau, nous lions le temps qu’il fait dehors à nos états d’âme intérieur. La météo devient plus intime, affective même. Parler du temps qu’il fait, c’est aussi parler des humeurs qu’il suscite. Jusqu’à la dépression saisonnière. Ou la lueur d’espoir !

Olivier SCHLAMA

Plus il fait beau, plus on vote ?

Quand une élection a lieu pendant des vacances scolaires, l’abstention est en hausse de 1,7 point, selon une étude savante de deux universitaires, Eric Dubois (Paris-I) et Christian Ben Lakhdar (Université catholique de Lille). Une augmentation qui ne devrait pas avoir lieu pour les prochaines régionales et les départementales puisqu’elles ont lieu les 20 et 27 juin prochains.

Le temps qu’il fait aurait aussi une incidence, selon ces universitaires. Mais, attention, contrairement à une idée reçue, plus il fait beau, plus… on vote : Trois degrés en plus (par rapport à la moyenne sur trente ans) augmentent la participation d’environ un point, et quatre heures de soleil en plus d’environ un quart de point”, affirme l’étude des deux chercheurs. À l’inverse, “les précipitations ont un effet dépressif : plus il pleut, moins les gens votent. Six millimètres de pluie de plus (que la moyenne) diminuent la participation d’environ un point”.

Humeur : ce qui compte c’est la luminosité

Une partie de la sensibilité humaine s’expliquerait par le fait que l’homme a été “conçu” sous les tropiques. Qu’il n’avait ni ailes pour se déplacer d’un continent à l’autre pour le conquérir vite ni fourrure pour se protéger du froid. Et que nous aurions gardé de cette période dans nos gènes cette sensibilité.

Pas de lien établi entre mauvais temps et dépression

Ph. Météo Pyrénées

Mais le lien entre la dépression et le mauvais temps n’est, elle, pas forcément prouvée. David Watson, professeur de psychologie à l’université de l’Iowa et spécialiste américain de l’humeur, a réalisé plusieurs études sur la possible corrélation entre baisse de la pression atmosphérique (mauvais temps) et entrées aux urgences de dépressifs.

Il n’a pourtant jamais trouvé de lien tangible entre les deux, comme l’explique France TV Info. Il y a des palliatifs sinon des solutions.

C’est davantage la lumière qui est importante que la chaleur. C’est elle qui pilote la production de mélatonine, hormone régulatrice de notre horloge biologique interne et qui régule indirectement notre sommeil.

Si l’on manque de luminosité, la fatigue peut s’installer allant parfois jusqu’à la dépression. Dans ce cas, faites du sport ! C’est bon pour éliminer les toxines et retrouver d’autres hormones, du plaisir celles-là : cortisol, adrénaline et noradrénaline, entre autres. Il faut aussi rechercher la vitamine C, avoir la main lourde sur certaines épices comme le safran, le gingembre, le jaune d’oeuf, l’huile de foie de morue (!), les poissons gras et le beurre.

O.SC.

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