L’Exodus : “Ce livre met Sète et les Sétois à l’honneur”

Ernest Puerta, l'un des auteurs de l'ouvrage publié par la Société d'études historiques et scientifiques de Sète sur l'Exodus. Photo : Olivier SCHLAMA

Dis-Leur.fr a lu en exclusivité l’ouvrage exceptionnel publié par la société d’études historiques et scientifiques de Sète, à base de photos d’époque et de témoignages de l’épopée de l’Exodus, parti de Sète le 10 juillet 1947 avec des milliers de rescapés des camps de la mort, et qui permit quatre mois plus tard de créer l’état d’Israël. Son titre : Il y a 70 ans à Sète : l’Espoir au Bout du Môle Saint-Louis, l’Exodus” (éditions Flam). Un morceau d’histoire. Passionnant.

Gustave Brugidou a le sourire. Le livre qu’a supervisé le président de la Société d’études historiques et scientifiques de Sète et de ses environs et auquel il a participé est en train d’arriver dans les bonnes librairies, juste quelques jours avant la commémoration des 70 ans de l’Exodus, ce bateau-arche de Noë qui, par son odyssée post-camp de concentration, mais dont le barbelé est le fil rouge, a donné un coup d’accélérateur à la création de l’Etat d’Israël, quatre mois après son départ de Sète, le 10 juillet 1947. Son titre est parlant : “Il y a 70 ans à Sète : l’Espoir au Bout du Môle Saint-Louis, l’Exodus“. Et a demandé des mois de travail. Une réussite qui s’appuie sur des photos exceptionnelles qu’a retravaillées et mises en valeur Ernest Puerta. Elles permettent de plonger dans ce passé puissant. De la traversée de la Méditerranée sur un bateau, qui portait alors le nom de Président Werfield (il sera rebaptisé Exodus en mer) fait pour… les fleuves, construit à l’image du Mississipi… avec des navires de guerre comme comité d’accueil à Haïfa ; le retour vers Port-de-Bouc, Hambourg dans des… bateaux-prison… Rien ne sera épargné à ces survivants de l’Holocauste au courage exemplaire dont l’histoire a épousé l’Histoire.

La seconde plaque commémorative du départ de l’Exodus qui doit être scellée elle aussi sur le Môle dimanche prochain. Photo : Société d’études historiques de Sète.

Carole Delga, la présidente de la région Occitanie, a ce joli mot pour présenter l’ouvrage : “Quand l’histoire a été blessée, le présent doit la réparer. Il faut établir le lien entre passé et présent et transmettre le témoin. C’est la vocation de cet ouvrage et de la commémoration du 10 juillet, c’est aussi ma volonté. La Région soutient sans faillir tout travail de mémoire et de réconciliation qui contribue à combattre le racisme, l’antisémitisme et la haine entre les peuples. Parce que cultiver l’esprit de fraternité et de tolérance est ma priorité.”

Un commissaire-résistant donnera-t-il son nom à une rue de la ville de Sète ?

Une première plaque commémorative avait été posée en 1982. elle appelle à se souvenir des “4530 résistants, émigrés, clandestins tentant de forcer le blocus naval britannique embarquaient ici sur l’Exodus 47 aidés par la population de Sète et les autorités de la région afin de reconstruire une nouvelle vie de liberté sur la terre ancestrale d’Israël.” Pour François Commeinhes, sénateur-maire de Sète,”transmettre l’histoire de l’Exodus, c’est clamer haut et fort notre soif de tolérance, de dialogue, d’amitié entre les nations, de fraternité, de respect de la liberté de chacun. C’est tout simplement célébrer la vie, le courage, l’espoir. Et ne jamais ménager nos efforts en ce sens.”

Gustave Brugidou le dit à sa manière : “Pour le soixante-dixième anniversaire du départ de l’Exodus, il fallait renforcer cette mémoire (…) Nous voulions aussi mettre à l’honneur Sète et les Sétois dans ce livre. (2à euros, en kiosque). La population n’a pas su exactement ce qui se passait à l’époque sauf quelques Sétois dont le commissaire Laurent Leboutet. Ce serait d’ailleurs une belle chose si la ville avait l’idée de donner son nom à l’une de ses rues…”
Le sénateur-maire sera sans doute sollicité pour que Sète, le point de départ de cette odyssée et étape marquante dans la création de l’état hébreu, baptise une venelle du nom de ce policier.

Des hommes et des femmes qui ne parlaient pas, habillés d’hiver en plein été attendent de monter à bord de l’Exodus. Photo : Collection Livni.

“Ce n’est que bien plus tard que l’on a su !”

Après avoir largement aidé ces émigrants-pionniers d’Israël, Laurent Leboutet, ce commissaire-résistant, hors la loi, avait choisi d’aider ces futurs pionniers, aussi constitué un musée de l’Exodus qu’il a légué à l’état d’Israël, avant d’être lui-même maintes fois décoré (légion d’honneur, Juste parmi les Justes de la nation). Les Sétois, ou non Sétois, de toutes confessions auront l’occasion, à travers cet ouvrage magnifiquement illustré de leur offrir toute leur reconnaissance. Comme le fait si joliment si simplement Joseph Nicoulet, habitant de l’île singulière, qui, à 88 ans, a gardé son regard intact de ses 12 ans. Un âge où l’on devine l’histoire le plus souvent sans s’en rendre compte.

Pendant le Tour de France !

“(…) La télévision n’avait pas encore envahi les foyers domestiques, raconte-t-il dans le livre. Le quartier bruissait de vie. C’était le plein-air : on vivait dehors (…) Et là, pendant plusieurs jours, on a vu venir des gens. Des gens qui ne parlaient pas : ils marchaient droit devant eux (…) Ce n’est que bien plus tard que l’on a su ! Et que leurs tribulations n’étaient pas terminées une fois à bord !” Personne n’avait conscience de ce moment historique surtout pas les coureurs du Tour de France qui s’échinaient dans l’étape du jour, Montpellier-Carcassonne…! Irréel.

Pendant ce temps, 172 camions, partis simultanément de 412 camps de transit, selon un itinéraire top secret, arrivaient au Môle de Sète. Ce n’était déjà pas une promenade de santé : ces pionniers sauvés des camps de la mort avaient dû affronter en venant les piquets grève des transporteurs routiers et autres joyeusetés, comme la difficulté de trouver du carburant ou de trouver des papiers en règle. Un devoir de mémoire.

Olivier SCHLAMA