Crues : une balise révolutionnaire pour surveiller les cours d’eau

Ces balises autonomes sont installées sur différents points stratégiques tels que sur les piles des ponts, digues, etc., afin de mesurer tous les facteurs risques. Photos : DR

Un informaticien  de Saint-Gaudens, Guillaume Delai, a inventé une balise, baptisée Ogoxe, pour mieux anticiper le risque d’inondation dans les vallées traversées par de petits cours d’eau, aux crues potentiellement importantes et qui ne sont pas spécialement surveillés de près par le réseau national Vigicrues. De quoi aider les communes à prendre ou pas la décision d’évacuer la population, par exemple. Une version submersion marine de ce boîtier intelligent, qui combine toutes sortes de paramètres, est à l’étude. Explications.

Aller plus vite qu’un cheval au galop pour prévenir le risque de crue… Informaticien de profession, Guillaume Delai, originaire de Saint-Gaudens (Haute-Garonne), a été marqué par les inondations et les crues ayant touché les vallées pyrénéennes en 2013. “Les témoignages étaient clairs”, dit-il en substance. Il faut mieux anticiper ces eaux qui dévalent, créent des embâcles et peuvent provoquer de gros dégâts.  “Le constat partagé par les responsables et les riverains après la crue dans les Pyrénées en 2013 était le manque d’information. Or, le temps de réaction en cas d’inondation des bassins versants est extrêmement bref, c’est pourquoi, la gestion de l’alerte et la préparation à la crise sont primordiales.”
Comment s’y prendre ? Guillaume Delai créé une start-up, Ogoxi, et développe durant deux ans un produit, un objet connecté, Ogoxe, pour tenter de trouver une réponse.
Guillaume Delai et la balise Ogoxe
C’est un dispositif intelligent, innovant, malin, totalement complémentaire des dispositifs publics existants dont le célèbre Vigicrues puisqu’il s’adresse en priorité “aux petits cours d’eau, ceux qui n’ont justement pas de dispositif de surveillance spécifique”. A la fois collectif et individuel. “L’objectif, dit le fondateur dont la start-up est abritée dans un hôtel d’entreprises, est de proposer une solution complète : surveiller l’évolution de ces petits et moyens cours d’eau qui n’ont pas d’observation en temps réel  et aider les communes concernées à prendre la bonne décision”.

La balise aussi chez les particuliers

La start-up entre aussi chez les particuliers en leur proposant de leur vendre un boîtier (d’un coût de 80 euros, à vie) à installer chez soi. Là aussi, solution innovante qui informe en permanence les indications du niveau de danger, même quand les réseaux de communication sont endommagés. Si une évacuation est ordonnée, l’information sera transmise instantanément aux habitants de la zone concernée grâce à l’objet connecté, ainsi qu’un message émis par sms, mail, ou messagerie vocale.
Ogoxe mesure en temps réel les variations des cours d’eau et modélise les caractéristiques des bassins (géologie, urbanisation…) dans le but d’anticiper les risques d’inondation, de décider d’activer le plan communal de sauvegarde (PCS) ou d’évacuer une zone de danger afin de garantir la sécurité des personnes et la protection des biens.

Même la fonte des neiges !

Guillaume Delai précise : “Nous disposons des capteurs – d’un seul à plusieurs dizaines en fonction des endroits- qui fonctionnent sans contact, de sorte qu’ils ne soient pas abîmés par l’eau ou une chute d’arbre, ce qui évite donc les problèmes de maintenance. Nous l’adaptons  aux caractéristiques de chaque bassin versant où la balise Ogoxe sera posée : montée des eaux, force du vent, etc. Et même fonte des neiges ! “Chacune de nos balises Ogoxe a ses paramètres propres au terrain où nous l’implantons. Ensuite, une fois que tous les paramètres sont entrés dans la boîte, ils sont moulinés par un algorithme. La solution innovante combine plusieurs outils et méthodes afin de modéliser au plus juste les prévisions. Le boîtier calcule en permanence la hauteur des cours d’eau tout en tenant compte des précipitations et des paramètres du terrain. La solution prend aussi en considération les prévisions météorologiques afin de fournir les indications les plus précises et prévisibles possibles. Toutes ces données sont disponibles via l’application Ogoxe, et consultables sur tous les écrans. Elle apporte donc une réelle plus-value, avec un calcul d’anticipation à l’échelle d’un bassin versant ou sur une zone plus limitée, et facilite ainsi la prise de décision pour les collectivités locales en cas d’inondation”, résume le créateur. Ces balises autonomes sont installées sur différents points stratégiques tels que sur les piles des ponts, digues, etc., afin de mesurer tous les facteurs risques. “Le point fort de mon dispositif est son autonomie tant du point de vue énergétique que du point de vue des réseaux : si l’électricité, le réseau mobile et Internet sont coupés, il fonctionnera en mode dégradé.”

 Seuls 20 000 km de cours d’eau surveillés

Ogoxe est en pleine phase de commercialisation et de discussion avec les collectivités locales. Certaines pourraient acquérir cette solution pour aider leur population dans la prévention des crues de cours d’eau, souvent imprévisibles dans leur ampleur.
“Notre solution est actuellement plutôt adaptée aux rivières. Mais nous allons décliner une version pour la submersion marine”, révèle Guillaume Delai. Abritée en hôtel d’entreprises, soutenue par le conseil régional d’Occitanie, entre autres, Ogoxi, qui fabriquera ces boîtiers à Saint-Laurent-de-Neste (65), espère réaliser un chiffre d’affaires de 600 000 euros à 700 000 euros en 2018. “Nous ferons également une levée de fonds d’ici la fin de l’année 2017″, confie encore Guillaume Delai.

Premier risque naturel en France, les inondations nécessitent un dispositif de surveillance et d’alerte optimal et constant. Seuls 20 000 km de cours d’eau sont surveillés sur les 428906 kilomètres que l’on compte dans l’Hexagone. Ou 623464 kilomètres avec les départements d’Outre-Mer.

Olivier SCHLAMA

Ogoxi est lauréate du prix transition énergétique et technologies vertes, lors de la 14e édition des Trophées de l’économie numérique, organisée par la Région Occitanie, et, en 2016, des Montagnards de l’innovation (CCI de Tarbes). Contact : http://www.ogoxe.com

Le risque d’inondation en France :

  • 3,7 millions de logements sont situés en zone inondable
  • 11 % de la population est exposée au risque d’inondation par cours d’eau
  • 1 commune sur 2 est concernée par le risque de crue
  • Dans la totalité des départements, une part variable de la population réside en zone inondable.
  • 12 départements ont plus de 20 % de leur population en zone inondable.