Archéologie : De Auch à Elne, la passion des racines historiques

L'engouement pour l'archéologie ne fortifie. Sur 800 m², la fouille met en évidence les premières implantations humaines datées de la seconde moitié du Ier siècle avant notre ère. Photo : Inrap.

Auch, Elne, Arles, Marseille… Les découvertes historiques se multiplient dans le Sud et particulièrement en Occitanie. De quoi susciter l’engouement d’un “public de plus en plus passionné par l’histoire de ses racines”, décrypte Pascal Lotti, responsable scientifique d’un chantier d’envergure à Auch pour le compte de l’Inrap, l’institut national de recherches archéologiques préventives. La réussite, en juin dernier, des Journées nationales de l’archéologie au Cailar (Gard),  lancées par la nouvelle ministre de la Culture, Françoise Nyssen, accompagné de Dominique Garcia, président de l’Inrap, le prouve.

Une équipe d’archéologues met au jour jusqu’à fin septembre, à Auch (Gers), une vaste demeure aristocratique antique. “C’est une maison urbaine très luxueuse qui a un intérêt régional majeur ; c’est l’une des plus belles découvertes de l’année au niveau national. Ce qui est intéressant, c’est qu’elle témoigne d’une occupation continue du 1er siècle après Jesus-Christ jusqu’au 5e siècle. Elle date des débuts de l’urbanisation, donc. L’autre moitié du site de fouilles offre des découvertes plus complexes. Il y aura un gros travail de post-fouilles”, précise Pascal Lotti, responsable scientifique de cette fouille pour l’Inrap.  Ces recherches, réalisées sur prescription la Drac Occitanie, se situe à  moins d’une centaine de mètres du forum de l’antique cité d’Elimberris.

Pascal Lotti, archéologue : “Une grosse part de hasard…”

Ce nouveau chantier archéologique est d’importance : le passé gallo-romain d’Auch reste en grande partie à découvrir, il n’avait été perçu qu’au travers d’une fouille, déjà ancienne, et d’une dizaine de diagnostics. “Il n’y a pas davantage de fouilles mais une grosse part de hasard mais aussi des efforts de médiatisation dans ces découvertes que l’on aime de plus en plus faire partager avec le public”, complète l’archéologue.

Elimberris est implantée sur la rive droite du Gers, aujourd’hui en contrebas du centre urbain moderne. Sur 800 m², la fouille met en évidence les premières implantations humaines datées de la seconde moitié du Ier siècle avant notre ère. Toutefois, les premiers signes tangibles d’une véritable urbanisation n’émergent qu’au début du Ier siècle de notre ère. Cette période inaugure l’expansion de la cité, avec sa trame urbaine, structurée par un réseau viaire, orienté, comme il se doit, sur les points cardinaux. La présence du forum et d’habitats privés de qualité avait été perçue lors de diagnostics et de sondages archéologiques. Au cours du Bas-Empire, la cité semble prospère et voit l’apparition de luxueuses résidences, agrémentées de thermes et de sols en mosaïque. C’est l’une d’entre d’elles, qui sort aujourd’hui de terre…

Peu après les années 320-330 de notre ère, cette domus, est dotée d’un ensemble thermal. Les vestiges actuellement mis au jour s’inscrivent dans un corps de bâtiment, long de 28 m et large de 10 m. Au moins trois pièces chauffées par le sol (ce que les archéologues appellent les hypocaustes rayonnants), sont agrémentées de mosaïques polychromes différentes. Deux d’entre-elles présentent des motifs géométriques, composés d’octogones et de carrés pour l’une, de cocardes pour l’autre. Plus vaste, la troisième est un tapis de figures géométriques et florales complexes. Sont aussi présentes des mosaïques murales, attestées par des tesselles de pâte de verre noir bleuté, vert ou rouge, dont les fragments ont été retrouvés dans les gravats antiques scellant les sols.
Ces mosaïques se rattachent sans ambiguïté à un style aquitain qui se développe, durant la fin de l’Antiquité, dans le sud-ouest de la Gaule. Bien connus dans certaines grandes villae rurales, ces  pavements sont plus rares en milieu urbain, toutefois, Bordeaux, Eauze et désormais Auch en ont livrés.

La fin du IVe et le début du Ve siècle signent l’abandon de la demeure aristocratique. Elle est alors l’objet d’une campagne de récupération systématique de matériaux : les murs sont épierrés, les dallages de marbre arrachés, les carreaux de chauffage prélevés, amputant ainsi une partie des mosaïques.

Depuis quelques jours, les mosaïques seront entoilées, puis déposées, c’est-à-dire prélevées afin d’être restaurées. Ainsi pérennisées elles pourront être présentées au public. Un rapport sera réalisé par les archéologues, les résultats les plus marquants publiés, un projet collectif de recherche autour d’Auch pourrait naître.
Pour l’heure, les mosaïques enlevées, la fouille se poursuit afin de découvrir l’Auch des Ier et IIe siècle de notre ère…

Elne, la plus ancienne cité du Roussillon

A 300 km de Auch, la ville d’Elne possède elle aussi un riche passé avec 25 siècles d’occupation ininterrompue !  Installée sur un promontoire (oppidum) qui domine la plaine du Roussillon, au carrefour de grandes voies commerciales, elle est la plus ancienne cité du Roussillon.

“Le conseil départemental des Pyrénées-Orientales (PO) réalise depuis 2015 un chantier de fouille programmée aux abords de la cathédrale actuelle d’Elne, sur le plateau des Garaffes. Cette fouille est ouverte tous les étés et accueille des étudiants venus de toute la France se former à l’archéologie. Elle est réalisée sous le contrôle scientifique de la Direction régionale des affaires culturelles Occitanie et est menée en partenariat avec la municipalité d’Elne et l’Université de Perpignan Via-Domitia”, rappelle-t-on au Département.

 Sous la chapelle Saint-Etienne…

Cette fouille archéologique, d’environ 200 m2 d’emprise, est effectuée à l’emplacement d’une petite chapelle qui faisait partie de l’ensemble cathédral d’époque romane : la chapelle Saint-Etienne. Elle est mentionnée pour la première fois dans les textes en 934. Elle a été détruite après la Révolution lors de la vente des biens de l’Église et il n’en reste aujourd’hui que peu de vestiges. Seule une partie de l’abside est conservée, le reste des murs a été épierré, faisant ainsi office de carrière pour les matériaux.

Sous la chapelle Saint-Etienne, des murs puissants ont été mis au jour durant la fouille. Il s’agit d’un grand bâtiment, orienté comme une église. Aujourd’hui, les archéologues ont acquis la conviction que cette grande église, antérieure à la cathédrale actuelle et aussi imposante qu’elle, n’est autre que la cathédrale primitive. C’est une découverte majeure, d’un point de vue patrimonial mais aussi scientifique.

Cet édifice, dont malheureusement seules les fondations sont conservées, a été construit entre le VIe siècle et le IXe siècle. Il a été érigé en bordure du plateau, certainement trop près de la pente et une partie du chevet s’est effondré dans la falaise motivant la construction d’une nouvelle cathédrale, la cathédrale actuelle, un peu plus en retrait.
Cette cathédrale, ainsi mise au jour, correspond à un bâtiment monumental, avec un chevet de 11 mètres de diamètre et une nef large de plus de 16 mètres.
A titre de comparaison, la cathédrale actuelle possède un chevet de 8,60 m de diamètre, flanqué de deux absidioles.

 Les hypothèses scientifiques

Est-ce bien  la première cathédrale ? Le premier évêque d’Elne est mentionné en 571 dans les textes. Elne devient donc, dès la fin du VIe siècle, le siège d’un évêché qui structure alors une communauté chrétienne très ancienne. “En 350, explique-t-n, avec érudition au département des PO,  Elne rentre dans la grande histoire avec le massacre d’un empereur romain. En janvier 350, l’empereur Constant, fils de Constantin, est victime d’une conspiration militaire. Un officier, Magnence, se fait acclamer empereur à Autun. Ancien esclave de Constantin Ier, celui-ci était finalement devenu général en chef des armées de Constant sur le Rhin. L’empereur légitime tente de fuir vers l’Hispanie, mais il est rattrapé à Elne, par les hommes de main de Magnence, dirigés par un dénommé Gaiso. Réfugié dans une église, l’Empereur est extrait de force avant d’être mis à mort. Cette mention d’une église, dès 350, est la plus ancienne de Gaule.”
Les archéologues ont émis l’hypothèse que cette église se trouvait en ville basse, dans le secteur de la place du Planiol où une grande nécropole de cette période a été mise au jour dans les années 1960 par Roger Grau. Il pourrait s’agir de l’église Saint- Pierre qui a probablement été le siège du premier évêché, le temps de construire une nouvelle cathédrale, celle mise au jour par les archéologues du Département.

Livre ouvert et prometteur sur l’histoire

Sous cette église, les archéologues supposent la présence d’un empilement de couches de près de trois mètres qui correspond aux successions d’occupation de la ville, depuis nos jours jusqu’au VIe siècle avant J.-C. C’est un livre ouvert et prometteur sur l’histoire de cette cité et sur celle de ce département.
Des maisons d’époque gauloise commencent à être mises au jour avec des murs, dont la base est construite en pierres, conservés sur plus d’un mètre de hauteur, ce qui est remarquable pour la période. A cette époque, l’agglomération qui porte le nom d’Illiberis, couvre plus de dix hectares ce qui correspond à l’actuelle ville haute mais intègre aussi le puig de les Forques, l’actuel groupe scolaire Joseph Néo. La ville était alors enserrée dans un rempart, complété par un fossé d’au moins neuf mètres de largeur.

A la recherche d’une possible peste  au XVIIe siècle

À la fin de la campagne précédente, les archéologues ont mis au jour plusieurs sépultures. Les sujets étaient inhumés avec peu de soins et l’une des tombes renfermait deux sujets enterrés tête-bêche et en chien de fusil. Ces tombes sont des sépultures d’urgence liées probablement à un événement sanitaire particulier. Elles sont datées des XVIIe-XVIIIe siècles par le carbone 14 et pourraient être liées à un des épisodes de peste qui a durement frappé le Roussillon au milieu du XVIIe siècle. Des recherches sur de l’ADN bactérien, susceptible d’être conservé dans les ossements, vont être menées afin d’identifier le bacille ou le virus qui a entraîné ces décès.

Olivier SCHLAMA

Journées de l’archéologie : une réussite

Les Journées de l’archéologie en juin dernier, c’était, sur tout le territoire, 1567 animations avaient été organisées dans 660 lieux ; 39 « portes ouvertes » proposées sur des chantiers en cours de fouille ; 28 centres de recherches avaient exceptionnellement ouvert leurs portes et 230 musées se sont mobilisés. Des Villages de l’archéologie, des rallyes archéologiques, des banquets gaulois, des manoeuvres de légion romaine ou des escape games. 155000 visiteurs se sont mobilisés dans 514 communes en France métropolitaine et en outre-mer !

Medias et réseaux sociaux

Sur les réseaux sociaux, ce sont 3700 internautes qui ont participé à la troisième édition de l’ #Archeoweek sur Twitter du 13 au 15 juin. Les organisateurs des JNA, les institutions culturelles, universités, laboratoires et les musées ont célébré l’archéologie autour des thèmes #ArcheoFiction, #ArcheoArt et #Archeofutur.
Sur Instagram, les internautes étaient invités à partager leurs clichés avec la mention #MesJNA17 et à voter pour leur photo préférée. Les auteurs des 3 photos plébiscitées ont gagné la BD Arelate, tome 6.
​ARTE, partenaire historique des JNA a proposé, samedi 17 juin, une programmation spéciale pour mieux comprendre le travail des archéologues et les résultats de leurs recherches. L’énigme de la tombe celte diffusée en prime time a été vue par 720 000 téléspectateurs.